Les "harat" d’Egypte, vivant témoin d’un passé riche !

Hanaa Khachaba Nevine Ahmed Dimanche 17 Mars 2019-13:31:04 Dossier
La ruelle de
La ruelle de "Darb Al-Mahabil" (La ruelle des idiots)

L'Egypte possède d'innombrables "harat" (venelles),  qui portent des noms de personnages historiques ou d'un certain artisanat ou métier. Autant de noms, autant de "harat", qui relatent la vie agitée des Egyptiens au temps des Mamelouks et des Fatimides, à travers les époques successives.

 

Les ânes tirent des charrettes d'oignons ou de briques, les ateliers débordent sur les trottoirs, les enfants jouent avec les moutons... Le temps semble s'être arrêté dans les venelles inextricables de la capitale.

Dans ces ruelles,  s'alignent en enfilade de splendides édifices médiévaux : mosquées, médersas, khanqah...

Les articles qui nous relatent l'histoire de nos rues, et surtout des venelles égyptiennes, sont souvent intéressants et trop attirants, puisque dévoilant certains détails que l'on ignorait à propos de ces petites ruelles. Des secrets sont décelés et des informations enrichissantes sont acquises. Dans ces venelles, chacun est à son métier... un calme bruyant d'activités caractérisent les matinées, alors que la vie grouillante des cafés "baladi" qui s'y répandent, sont le trait de la vie au crépuscule.

Quand les Fatimides arrivèrent en Egypte en 969, leur commandant Gohar le Sicilien encercla Le Caire d’une immense enceinte pour protéger la ville. Des tribus égyptiennes accompagnèrent l’armée fatimide et choisirent  un espace pour y camper. Cet endroit s’est transformé en "hara" (singulier de harat) où s’installèrent des effectifs de l’armée. A l’arrivée du calife Al-Muezz Lidine Allah, ces venelles existaient donc déjà et continuèrent à braver le temps, enregistrant dans les annales de l’Histoire les événements successifs.

Plusieurs des venelles égyptiennes ont gardé leur ancienne appellation, alors que d’autres en ont reçu des nouvelles. Dans ce dossier, Le Progrès Egyptien vous accompagne- dans cette deuxième partie de notre dossier- dans une promenade passionnante dans quelques "harat" pour vous les faire découvrir en remontant un peu dans le temps, celui de leur construction … peut-être !

La venelle d'Al-Godariyah

Al-Darb Al-Ahmar est un des fameux quartiers du Caire, dont on ne sait pas trop autour de son histoire. La venelle d'Al-Godariyah est toute autre des autres ruelles. Elle puise son nom du secte d'Al-Godariyah, qui est une des sectes militaires au temps d'Al-Hakim bi-Amr-Allah.

Les Godariyahs étaient au nombre de 400 personnes remontant à Goder, serviteur de Obayd Allah Al-Mahdi, fondateur du califat fatimide au nord de l'Afrique. Les Godariyahs étaient présidés par Abou Ali Mansour Al-Godari, qui avait une remarquable notoriété, était d'une grande célébrité, et était responsable du Trésor et du marché des esclaves.

La venelle d'Al-Godariyah commence au début de la rue Al-Mo'eayed et se termine vers le début de la rue Al-Hattabah. C'est une grande venelle qui s'étend jusqu'à la mosquée Bébers et la ruelle Saada. Elle possède deux portes, l'une proche du marché d'Al-Mo'eayed, alors que l'autre est proche de ladite mosquée.

On raconte qu'à la venelle Al-Godariyah, habitaient les juifs.

La venelle des "Raffas" (les stoppeurs)

Dans une des plus anciennes venelles de Misr Al-Qadima, se rassemblent les artisans d'un métier, qui existe jusqu'à nos jours, mais qui n'est pas aussi répandu que ça. C'est le "raffa" (le stoppeur, ou la personne pratiquant le stoppage qui consiste en une opération de tissage très sophistiquée pour reconstituer un tissu, le plus souvent un habillement, et qui est déchiré ou troué. Il s'agit de reconstituer la trame et la chaîne du tissu).

Les historiens racontent que cette venelle prit son nom du fait que ses habitants avaient l'habitude de consacrer une petite chambre dans leurs demeures pour la transformer en échoppe où ils exerçaient le métier dans lequel ils excellent tous, le stoppage.

La photo- diffusée par le site "Archive", est prise en 1920 et montre le patron, avec à côté, trois de ses compagnons ou assistants en train de coudre. En haut de l'échoppe, le nom du propriétaire : "Monsieur Ahmed, le "raffa" (Monsieur Ahmed, le stoppeur).

La venelle de "Berket el-fil" (L'étang des éléphants)

Les historiens racontent que cette venelle puise son nom depuis l'ère des pharaons, parce que des éléphants vivaient dans ce lieu, et les habitants locaux les vénéraient et les considéraient même comme des dieux. Elle se situe au quartier de Sayeda Zeinab.

Une autre histoire cite que "Berket el fil" a pris son nom lorsque l'émir Khamaraoueh Ahmed ibn Toloun, aimait posséder les animaux parmi lesquels lions, tigres, éléphants, girafes, etc... Il leur consacrait des lieux pour les garder. Le lieu où se trouvaient les éléphants était au bord d'un étang, d'où donc la nomination de la venelle.

On dit qu'au début on prononçait le mot arabe "berket" en utilisant la voyelle courte "a" (baraket el fil) ou (la bénédiction de l'éléphant), parce que par le passé, l'eau se séchait et la terre devenait assoiffée... Les habitants priaient pour retrouver l'eau, qui, par pure coïncidence, revenait avec l'avènement des éléphants. C'est ainsi que les habitants croyaient à la bénédiction des éléphants. Avec le temps, les citoyens prononçaient le mot "berket" (qui signifie étang, ce qui est complètement différent) !

La ruelle de "Hoch Al-Ghagar" (La cour des Tziganes)

Cette ruelle se situe derrière la région de "Magra Al-Oyoun". Un lieu tout à fait méconnu, oublié et presque déserté. C'est pour cette raison que les tribus de Tziganes y campaient, loin de la pourchasse des habitants de la Haute-Egypte, qui les ont expulsés et ne tolèreraient pas leur présence parmi eux. Les Tziganes ont donc fui le "Saïd" pour se réfugier pour un certain temps au Caire, dans ce lieu- d'où il a pris son nom- pour être loin des yeux.

La ruelle de "Darb Al-Mahabil" (La ruelle des idiots)

Cette ruelle a pris son nom à cause des personnes qui buvaient "al boza" (sorte de boisson confectionné à partir de riz fermenté et qui servait comme sorte de boisson alcoolique pour les gens de condition médiocre). En buvant trop, les gens perdaient la tête, devenaient ivrognes et faisaient des idioties, d'où le nom de la ruelle.

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